L’infobésité : quand trop d’infos saturent ton cerveau !
Parfois en consultant les informations sur le web, je finis par me sentir mal. C’est comme si mon esprit arrivait à saturation. Le contexte de confinement et d’épidémie de COVID-19 n’arrangent pas les choses. Il y a trop d’informations, trop de sollicitations comme les notifications, les alertes e-mails, les popups en plein milieu d’écran, les tweets, les vidéos en lecture auto, les partages des amis, les invitations à suivre une page ou adhérer à un groupe, etc. Hyper-sollicitée, ma capacité de concentration diminue. Ma mémoire est moins efficace. Le flot d’actualités anxiogènes m’angoisse. C’est un fait scientifique, le cerveau humain est limité en capacité de traitement de l’information. Il n’est pas possible de lui en demander toujours plus sans risquer la surcharge mentale. La surinformation peut d’ailleurs avoir de lourdes conséquences physiques, émotionnelles et intellectuelles sur l’être humain. Elle représente un danger autant pour notre bien-être individuel, que pour le bon fonctionnement d’une entreprise ou encore nos relations au sein de la société. Ce phénomène est appelé l’infobésité.
« L’humanité a produit au cours des trente dernières années plus d’informations qu’en deux mille ans d’histoire, et ce volume d’informations double tous les quatre ans. La qualité du filtre est donc essentielle. »
Patrice Aron et Catherine Petit, « L’info, nerf de la guerre », Le Monde informatique, n° 731, 29 août 1997
Flux d’informations en continu et nouvelles technologies
Ce néologisme est né en 1993 sous la plume de l’américain David Shenk, bien qu’un autre terme, information overloaded, l’ai précédé au début des années 60. En France, ce sujet a été étudié entre autre par Caroline Sauvajol-Rialland (professeur à Sciences-Po, l’ICD et maître de conférence à l’UC de Louvain) dans son ouvrage, Infobésité comprendre et maîtriser la déferlante d’informations. Aujourd’hui, ce concept est surtout relié au développement de l’information en continu diffusé via les chaînes de TV, mais aussi à l’expansion des nouvelles technologies comme Internet. L’infobésité est aussi appelée surcharge informationnelle ou surinformation. Elle se manifeste lorsque le volume d’informations reçu par un individu, dépasse sa capacité à traiter celles-ci de façon productive, qualitative et pertinente. A ce sujet, je t’invite à consulter la conférence TEDx de Caroline Sauvajol-Rialland à l’UC de Louvain, intitulée : « L’infobésité tue la communication. ».

Les conséquences de la surinformation sur le bien-être
L’infobésité est un sujet qui touche autant le domaine personnel que professionnel. En effet, Internet est présent partout via les appareils mobiles. Ceux-ci nous suivent parfois du matin jusqu’au soir dans nos activités. Pourquoi ? Parce que cet outil fait office de radio-réveil, de messagerie, d’agenda ou assume d’autres rôles selon les applications, que nous y avons installées : console de jeux vidéo, coach sportif virtuel, podomètre, gestionnaire de to do list, etc. Finalement, cette source d’information est omniprésente. J’en connais même qui vont aux toilettes avec leur smartphone. Nous sommes tentés de consulter les médias sociaux en permanence, pour ne pas manquer le dernier buzz ou les informations stratégiques de notre secteur d’activité. Avec l’e-mail, on s’attend à obtenir une réponse immédiate ou rapide, à tout moment. Ce qui ajoute de la pression et du stress dans les échanges. La qualité de nos relations se dégrade. Les quiproquos se créent facilement car le texte seul (e-mail, texto, statut, chat…) ne communique pas le ton de notre voix, notre humeur ou notre langage corporel à l’autre. Hors ces éléments sont très importants dans la façon dont l’être humain entre en relation avec autrui. Ils transmettent nos émotions, nous permettent de nous adapter à l’autre et de rendre le dialogue vivant. Communiquer se fait aussi avec le corps. Enfin, être perpétuellement joignable, signifie aussi être dérangeable à tout moment. Hors, être interrompu de façon imprévue, nuit à la concentration et à la qualité du travail.

Les conséquences de la surinformation et ses corollaires, la connexion et la joignabilité permanentes sont les suivants :
- déficit d’attention, difficulté de concertation,
- stress, anxiété, troubles du sommeil,
- addictions, cyberdépendance,
- pertes de mémoire, difficulté à prendre des décisions,
- désengagement, dépression et perte de sens,
- épuisement professionnel ou burn out,
- baisse de la créativité,
- troubles relationnels, incommunication, dégradation des relations entre collègues,
- traitement superficiel de l’information, manque de profondeur dans l’expérience humaine,
- campagnes marketing moins efficaces car l’internaute est saturé de sollicitations et zappe,
- etc.
Le tableau semble assez noir, n’est-ce pas ? Il questionne aussi notre société et sa propension à inciter au toujours plus, sans pour autant que la qualité soit au rendez-vous. L’infobésité est un véritable problème, mais qui n’est heureusement pas sans solution.
Solutions à l’infobésité
Pour ne pas tomber dans le piège de la surcharge mentale, il faut s’organiser en suivant au moins 5 axes. C’est à dire :
- renoncer à vouloir tout savoir sur tout,
- diminuer le volume ou les sources,
- trier et hiérarchiser les informations,
- savoir se garder des temps de déconnexion,
- privilégier les échanges en réel.
1. Ne pas chercher à tout connaître…
Cette volonté, plus ou moins consciente, est particulièrement présente chez les perfectionnistes et les gens consciencieux. Mais, nous ne sommes que des êtres humains. Le flux d’informations dans notre société est si important, qu’il est impossible de tout savoir sur tout ce qui se passe.
2. Moins c’est mieux
Il est donc nécessaire de se recentrer sur l’essentiel et de le définir, pour délimiter son périmètre de veille informative. Inutile de regarder les infos au JT du soir, si tu consultes les infos toutes les heures sur ton smartphone au bureau et si tu écoutes les infos à la radio dans ta voiture, par exemple. Aujourd’hui les sources d’infos sont multiples : télévision, radio, internet, presse écrite, appareils mobiles, etc. Garde celle qui te convient le mieux. Il en va de même pour les médias sociaux et les sites web.
3. Trier et hiérarchiser
Garde les notifications actives seulement pour ce qui est urgent ou important. Je pense pas que Facebook entre dans cette catégorie par exemple. Demande toi à quoi va te servir cette information. Est-elle vraiment indispensable au point que tu lui consacres du temps ? Est-ce qu’elle t’aide à résoudre un problème par exemple ? Est-ce qu’elle t’apprend quelque chose que tu pourras utiliser dans ta vie ou qui t’aide à décider, agir ? Timothy Ferriss dans son best-seller, la semaine de 4 heures, à par exemple repenser sa journée de travail et décrété des plages horaires pendant lesquelles il traitait ses e-mails. Et en dehors de celles-ci, il n’ouvrait pas sa messagerie et coupait ses notifications. Ainsi, il restait concentré sur ses autres tâches. Loin d’avoir vu pleuvoir sur lui les reproches de ses interlocuteurs ou manqué de bonnes affaires, il a gagné en temps et en efficacité. Pourquoi ? Car il ne s’interrompait plus chaque fois que sa messagerie lui indiquait l’arrivée d’un e-mail, pour le lire et y répondre tout de suite. Car la plupart ne nécessite pas une réponse urgente.
4. Savoir se garder des temps de déconnexion
En 2017 est entrée en vigueur le droit à la déconnexion de la loi El Khomri. Que dit cette loi… Elle vise à « garantir l’effectivité du droit au repos des salariés ». C’est à dire qu’elle incite les entreprises à prévoir un accord pour encadrer l’utilisation des outils numériques « en vue d’assurer le respect de temps de repos et de congés». En clair, tu n’as pas à être connecté et joignable en permanence, que ce soit dans la sphère pro ou privée. Ce n’est pas parce que la technologie le permet, que cela est pertinent et une bonne habitude. L’hypersollicitation est mauvaise pour notre santé psychique. L’être humain a besoin de repos, de distraction et même de temps à ne rien faire, pour que son cerveau fonctionne correctement.
5. Privilégier les échanges en réel
La majorité de la compréhension d’un message est transmis par le visuel et le son, très peu par le texte. Échanger par écrans interposés peut engendrer des incompréhensions et donc des quiproquos, voire des tensions. Le langage corporel est très important dans la façon dont nous entrons en relation avec l’autre. C’est lui, qui communique toutes les émotions véritables et naturelles d’une personne.
Slow life et digital detox, privilégier la qualité à la quantité
Face à cette frénésie du toujours plus, certains trouvent une alternative dans le mouvement slow. Celui-ci invite l’individu à la décélération et la simplicité, afin de privilégier la qualité, l’efficacité, la profondeur dans les échanges et une vision à long terme. En faire moins, moins vite et mais mieux. Car le cerveau humain est monotâche. Certes, il est capable de traiter deux tâches si vite qu’elles semblent simultanées. Mais c’est juste une impression. Elles sont traitées alternativement. Nous gagnons donc en efficacité en nous concentrant sur le moment présent et en traitant une tâche à la fois, en écartant les sollicitations extérieures inopportunes. Cela peut paraître relever du bon sens. Et pourtant, la technologie nous a donné l’illusion de pouvoir nous affranchir de ces limites. Et d’ailleurs limites n’est pas le mot correct. Car il sous-entend que le fonctionnement de l’être humain serait imparfait. Et derrière cette imperfection et cette quête du toujours plus, que se cache t’il ? Le fantasme du surhomme capable de s’affranchir des limites de sa condition humaine peut-être ? Hors nous sommes déjà une création merveilleuse. Nos besoins de repos et notre fonctionnement monotâche ne sont pas des défauts ou des imperfections, mais les fondations de notre bien-être. La vie n’est pas une course. Ralentir ce n’est pas mourir, mais prendre le temps d’être.
Au même sujet….
- Caroline Sauvajol-Rialland, Infobésité comprendre et maîtriser la déferlante d’informations
- Alexandra Bidet, Caroline Datchary et Gérald Gaglio, Quand travailler c’est s’organiser : la multi-activité à l’ère numérique
- Hyperconnectés : Le cerveau en surcharge (2016) réalisé par Laurence Serfaty produit par ARTE France, Zed Productions, Inserm
Sources des données de l’infographie :
(1) Etude d docteur Martin Hilbert et son équipe, département de communication de l’ Université de Californie dans la revue Science (2014).
(2) Etude OnePooll pour la société Mindjet, mars 2012

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