#2 – Confiance en soi au féminin – Adeline Boutain, photographe et visionnaire
A la fin du dix-neuvième siècle, les droits des femmes étaient encore assez restreints. Par exemple, il faut attendre 1880, pour que l’enseignement secondaire soit autorisé pour les filles. C’est dans ce contexte particulier que naît Joséphine Adelina Libaux, le 11 avril 1862 à Machecoul en Loire-Atlantique, future Adeline Boutain, photographe, commerçante et éditrice de cartes postales. Elle est la fille de Marie Antoinette et Yves Laurent Libaux, éleveurs herbagers. Je vous invite à découvrir le destin particulier de cette veuve, qui avec deux enfants à charge, se lance pourtant dans l’apprentissage en autodidacte de la photographie. Visionnaire, créative et confiante en ses capacités, elle va conquérir son indépendance en prenant des photos remarquables des habitants, des traditions et de la vie quotidienne sur la côte vendéenne et dans le marais près de St Gilles-Croix-de-Vie.

De la pâtisserie à la photographie
Adeline Boutain voit le jour en 1862 à Machecoul sous le nom de Joséphine Adelina Libaux. A 19 ans, elle épouse le 9 mai 1881 Yves Gaspard Boutain. Ce dernier est pâtissier à Croix-de-Vie. En effet, à cette époque, St-Gilles-Croix-de-Vie n’existait pas. Il y avait Croix-de-Vie d’une part et St-Gilles-sur-Vie d’autre part. Ces deux communes fusionnent en 1967. La jeune épouse s’installe dans avec lui à Croix-de-Vie. Dans leur pâtisserie, elle s’occupe de la vente. Ils ont rapidement deux enfants, Yves Joseph Marie en 1882, puis Jules Rodolphe en 1883. Mais quelques années plus tard, en 1895, son mari décède et la laisse seule avec deux enfants à charge. Celle qui se fait appeler Adeline Boutain décide de prendre son destin en main. Elle prend des cours de photographie par correspondance. Car à cette époque, l’accès aux écoles d’art est encore assez limité pour les femmes. Par chance, la photographie qui est un métier récent et en plein essor, n’était pas une profession réglementée. Il était donc possible de se lancer en autodidacte, même pour une femme. A l’époque, il y avait d’ailleurs trois femmes photographes en Vendée. Confiante en son projet, elle vend la pâtisserie de son époux pour s’acheter son matériel photo et part sillonner les environs à vélo pour immortaliser paysages et scènes du quotidien.

Le développement du tourisme balnéaire
A cette période, le tourisme se développe dans la région. Visionnaire, en 1904 elle a l’idée d’ouvrir un commerce face à la gare, Le Grand Bazar de la Tentation. Sa boutique est un des premiers commerces de la ville. Locaux et touristes y trouvent de tout, dont des souvenirs, des articles de plage, de pêche et des cartes postales. Elle aménage dans l’arrière boutique son atelier de photographie. C’est là qu’elle développe et tire ses photos, mais aussi ses premières cartes postales.

Une photographe novatrice et ingénieuse
Créative et innovante, elle réalise également des photomontages en transformant des photos de jour en photo de nuit et colorise certains de ses clichés. Elle a aussi l’idée d’ajouter des commentaires en patois en bas de ses cartes postales, pour faire parler les personnages de ses mises en scènes. Elle photographie aussi bien le monde rural que maritime, les us et coutumes, les activités locales comme la pêche à la sardine, le tourisme balnéaire, les édifices locaux et les premiers bains de mer. Elle réalise également des portraits dont elle soigne le cadrage et la mise en scène. Grâce à la photographie, elle acquiert son indépendance financière. Son activité lui permet aussi de rencontrer des célébrités locales comme l’archéologue Marcel Baudouin, l’écrivain et homme politique Jean Yole ou encore le peintre Charles Milcendeau.
Une femme entrepreneure, artiste et visionnaire
Ces photos sont un témoignage inestimable de l’art de vivre à la Belle Époque sur la côte vendéenne (1871-1914). Cette période est aussi l’âge d’or de la carte postale. Et il est remarquable de voir comment dans un contexte pourtant peu favorable aux libertés féminines, Adeline Boutain a su acquérir son indépendance grâce à son esprit visionnaire, sa confiance en ses capacités, son sens de l’entreprenariat et son caractère déterminé. Elle a su percevoir le potentiel de développement autant de la photographie, pour laquelle elle se passionne avec talent, que du commerce associé à l’essor du tourisme dans sa région.
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- Jean-Pierre Guittonneau, Saint-Gilles-Croix-de-Vie en cartes postales, collection Adeline Boutain, 1862-1946 , éditions La Geste (2019)
- Catalogue d’exposition, Adeline Boutain : quand l’image photographique devient art, ville de Saint-Gilles-Croix-Vie, août 2019
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